- LES IMMORTELLES DU VAR © C.E.R.E.V. -

TRANSLATE THIS PAGE (AltaVista Translations)

INTRODUCTION, BOTANIQUE, HISTORIQUE, LA CULTURE, LA TEINTURE, LA PRODUCTION ET LA VENTE, USAGES ET SYMBOLIQUE, CONCLUSION, INDEX PHOTOGRAPHIQUE


INTRODUCTION

Sans doute l'immortelle du Var évoque encore des souvenirs - pas si lointains - dans la mémoire de certaines personnes. Il faut dire que l'Ouest varois a été fortement impliqué dans la production, la transformation et la commercialisation de cette fleur qui, symboliquement, évoque le monde des défunts mais plus encore, aujourd'hui, celui des vivants. Introduite à Ollioules dans le premier quart du XIXe siècle, l'immortelle a peu à peu conquis les territoires de Bandol, La Cadière-d'Azur, St-Cyr-les-Lecques et La Ciotat, se décalant progressivement vers l'ouest. Elle a connu son apogée dans la deuxième moitié du XIXe siècle, donnant naissance à une industrie prospère. Puis elle a commencé à péricliter durant la période de l'Entre-deux guerres. Pourtant, dans les années 1950-1960, Ollioules qui comptait de nombreux ateliers de transformation vivait encore au rythme de l'immortelle.

Parler de l'immortelle jaune - il s'agit d'une autre de ses dénominations - c'est aussi faire référence à une culture exigeant un savoir-faire que très peu ont conservé.

Il est dans le propos de cette étude de restituer ce qui constitue l'un des éléments de la mémoire et du patrimoine local. Il s'agit également de suivre l'évolution de cette fleur, tant du point de vue historique que technique et symbolique.


INTRODUCTION, BOTANIQUE, HISTORIQUE, LA CULTURE, LA TEINTURE, LA PRODUCTION ET LA VENTE, USAGES ET SYMBOLIQUE, CONCLUSION, INDEX PHOTOGRAPHIQUE


BOTANIQUE

Les immortelles utilisées pour les bouquets secs sont de deux types :

- Les immortelles à bractées et les immortelles simples

Les immortelles à bractées sont des plantes qui possèdent de gros capitules et sont le plus souvent des fleurs annuelles, voire bisannuelles. Leurs couleurs varient du blanc au rose en passant par le jaune, l'orange et le saumon.

Les immortelles simples comprennent plusieurs espèces. L'une d'elles vit à l'état sauvage dans le midi de la France. Il s'agit de l'immortelle des sables (Helichrysum staechas) comportant des tiges cotonneuses et des feuilles linéaires. Ses capitules sont serrés et de petite taille.

L'immortelle du Cap (Helichrysum foetidum), originaire d'Afrique du Sud, possède une odeur caractéristique. Sa tige est également cotonneuse mais les capitules sont plus développés que dans l'espèce précédente. Elle présente des feuilles engainantes, ovales ou lancéolées, velues et grises sur le dessous. Dans son pays d'origine, loin de servir à la confection de bouquets secs, elle est utilisée en pays Zoulou par les guérisseurs indigènes qui l'inhalent pour provoquer des transes.

Aucun composant hallucinogène n'a été cependant à ce jour isolé.

L'immortelle du Var est abondamment recouverte d'un tomentum blanc, est un peu rameuse, souvent sub-ligneuse à la base. Ses feuilles sont linéaires lancéolées et ses fleurs (capitules), nombreuses, sont disposées en corymbe composé.

Ces trois espèces sont vivaces et d'une belle couleur jaune d'or.


INTRODUCTION, BOTANIQUE, HISTORIQUE, LA CULTURE, LA TEINTURE, LA PRODUCTION ET LA VENTE, USAGES ET SYMBOLIQUE, CONCLUSION, INDEX PHOTOGRAPHIQUE


HISTORIQUE

L'immortelle du Var serait originaire des îles de Crète et de Rhodes, ce qui a influé sur sa classification botanique: Gnaphalium Orientale selon Linné, ou encore Hélichrysum Orientale (Goertn). Ce dernier terme signifie étymologiquement d'après sa racine grecque: Héli, soleil, Chrysum, or, cette désignation faisant allusion à la forme et à la couleur des écailles des capitules. Ses principales appellations courantes sont: immortelle du Var, immortelle à bouquets, immortelle jaune, immortelle d'Orient, éternelle; en provençal: « immortello » et « eisoureto ».

Cette plante semble avoir été introduite dans la région d'Ollioules vers 1815 ou 1820 par un jardinier nommé Dagnan, une avenue porte d'ailleurs son nom à l'entrée de la ville d'Ollioules. Barthelemy Dagnan, jardinier-fleuriste de son état, se rendit aux environs de 1810 à Marseille où il vit au marché aux fleurs de cette ville, trois plants d'immortelles qui auraient été recueillis dans le bois avec la motte de terre et qui lui furent vendus un Franc. Arrivé à Ollioules, Dagnan mit ces trois plants dans des vases ; deux périrent et il ne resta que le troisième qui vint à bien et fleurit. L'année d'après, il prit quelques boutures sur le plant qui lui restait, les piqua dans d'autres vases et réussit, par la suite, à les propager dans son jardin comme fleurs d'agrément. Peu à peu cette plante attira l'attention d'autres cultivateurs.

Ce n'est qu'à partir de 1830 que cette culture régionale fut suffisante pour permettre des exportations vers la capitale. Elle connut alors un vif succès à Paris. Le prix du paquet d'immortelles, soit un quart de kilogramme, monta de 25 à 50 centimes, ce qui eut pour conséquence de développer vers 1834 un élargissement de sa culture à titre spéculatif. En 1835, on en planta à Ollioules plus d'un million de pieds sur une étendue de 25 à 30 hectares. Il est à noter qu'alors le produit issu de terrains complantés en immortelles dépassait le montant du prix d'achat de ces parcelles.

Ce vif accroissement de production eut vite pour conséquence d'inonder le marché et de faire chuter les cours: les caisses d'immortelles séchées qui s'étaient vendues 150F l'unité en 1835 ne purent plus être placées qu'au prix de 25F en 1836. Le « crack » de l'immortelle découragea beaucoup de ces nouveaux horticulteurs. Ils en furent pour leurs avances en frais de défoncement du terrain et d'achat des pieds d'immortelles, lesquels s'étaient vendus 6F le mille.

Le fort gel de 1837 détruisit une grande partie des cultures mais permit, malgré tout, une régulation du marché puisque les immortelles séchées et stockées par les producteurs furent en grande partie vendues à bon prix.

Les caprices de la nature continuèrent leur oeuvre durant l'année 1855. Ce ne fut plus les cultures d'immortelles qui pâtirent mais tout le vignoble de Bandol qui subit les assauts de deux épidémies consécutives d'oïdium puis de phylloxéra. Les cépages en grande partie détruits, les viticulteurs d'alors se reconvertirent dans la culture de l'immortelle. L'ancien terroir à vigne était très adapté à ce type de culture, Si bien que les immortelles de Bandol furent vite considérées comme supérieures à celles des autres localités de Provence, les collines de Bandol couvertes de fleurs dorées, frappent les regards du voyageur d'alors qui pendant l'été parcourt en chemin de fer la route de Marseille à Toulon.

Les immortelles de Bandol étaient acheminées à Ollioules qui, jusqu'en 1868, conserva le monopole du commerce de cette fleur expédiée dans des caisses de bois vers Paris et même vers les grandes capitales européennes. La fabrication des couronnes mortuaires fut, après 1868, dévolue à Bandol qui employait alors une importante main d'oeuvre féminine: « La fabrication des couronnes a été, depuis peu, introduite à Bandol; elle occupe aujourd'hui un grand nombre de jeunes filles et atténue, jusqu'à un certain point, les pertes subies par la tonnellerie (C Brun, 1881: 21).

L'utilisation des immortelles dans les couronnes mortuaires ne date cependant pas de cette époque. Ainsi Suétone relate que César Auguste, rendant hommage au tombeau d'Alexandre le Grand à Alexandrie, y déposa plusieurs couronnes. La tradition voulait que le lit mortuaire des Anciens fût orné des couronnes qu'ils avaient méritées pour leurs hauts faits militaires ou athlétiques; la tête du défunt était elle-même ceinte d'une couronne de fleurs ou de métal précieux, symbole de victoire et de récompense décerné après le combat de la vie. Ces couronnes comportaient l'amarante, l'immortelle, l'asphodèle, la violette, le narcisse, le lierre et le myrte. (c.f : J.M. PELT, Fleurs, fêtes et saisons, Paris, Ed. Fayard, 1988.)


INTRODUCTION, BOTANIQUE, HISTORIQUE, LA CULTURE, LA TEINTURE, LA PRODUCTION ET LA VENTE, USAGES ET SYMBOLIQUE, CONCLUSION, INDEX PHOTOGRAPHIQUE


LA CULTURE

En ce qui concerne la culture, l'immortelle du Var ne nécessite pas un terrain riche, un sol caillouteux et argileux lui convient très bien, ce qui est le cas de bon nombre de parcelles de la région d'Ollioules et de Saint-Cyr où elle est encore cultivée. Seuls les terrains qui possèdent de nombreuses pierres plates ne satisfont pas à sa culture, les plants n'arrivant pas dans ce cas à s'enraciner.

L'immortelle du Var est une plante gélive, beaucoup de cultivateurs disent des immortelles: « Il faut qu'elles voient la mer ». La meilleure orientation du terrain pour cette plante serait une exposition sud, ou sud-ouest. Une exposition sud-est est utilisable mais donnerait de moins bons rendements. En raison de sa mauvaise résistance au froid - l'altitude de culture jouant aussi un grand rôle - l'altitude optimale selon les horticulteurs rencontrés varierait entre 60 et 80 mètres, une altitude supérieure ou inférieure induisant en période froide des risques de gel.

Cette plante vivace a une durée de vie de six à sept ans voire même dix ans pour certaines. La rotation de culture doit être effectuée tous les trente ans environ.

Il semble que les cultivateurs se fient davantage à la reproduction par bouturage plutôt qu'à celle par semis, vraisemblablement pour conserver les caractères de la souche d'origine. Selon eux: « L'immortelle ne produit pas de graines, alors que la sauvage, oui ». Le bouturage s'effectue en août sur les vieux pieds. Les boutures recueillies sont ensuite plantées assez proche les unes des autres dans un carré de bonne terre ou de terre enrichie de compost ou de terreau afin de faciliter leur reprise. Il est nécessaire de les protéger du soleil estival qui a tendance à dessécher les boutures. Si par le passé les boutures mises en terre étaient placées à l'ombre des oliviers, actuellement la méthodes des « vaseous » (vaseaux) est la plus répandue: le carré délimité par quatre piquets est couvert d'un toit de cannisses ou de joncs pour le protéger des rayons du soleil tout en maintenant une bonne aération, condition nécessaire pour éviter le pourrissement des jeunes plants. Les boutures sont surveillées et arrosées jusqu'à leur mise en place qui a lieu de la fin octobre à la mi-novembre.

Avant la mise en place définitive, la parcelle choisie doit être labourée à une profondeur de « 12 à 15 pouces », soit trente à quarante centimètres. Dans le passé, on avait l'habitude de débroussailler un terrain inculte pour cultiver l'immortelle. De nos jours, on se contente d'amender en octobre un terrain inoccupé, avec du fumier de mouton (ou bien encore d'utiliser un terrain qui a servi à la culture des petits pois l'année précédente, ceci afin de permettre un apport d'azote).

Les jeunes plants sont disposés en lignes espacées de 80 à 120 cm, largeur convenable pour un binage au motoculteur alors qu'une largeur plus faible ne permet qu'un binage manuel.

Les pieds d'immortelles sont binés deux fois par an: la première en février et la seconde en mars/avril afin de maintenir un sol propre.

Le traitement chimique printanier est possible pour protéger les plantes de divers ravageurs (pucerons, limaces), mais n'est pas effectué par tous les cultivateurs et n'est nullement obligatoire, l'immortelle du Var étant assez résistante à ces diverses agressions.

Le plus grand risque évoqué, concernant les champs d'immortelles assez éloignés des zones d'habitation, est le sanglier qui, pour se nourrir, fouille la terre. Selon un cultivateur : « Un sanglier, ca vous retourne un champ en un rien de temps ».

L'arrosage des champs n'est pas obligatoire non plus. Dans le passé, de par la difficulté d'acheminer l'eau, les champs d'immortelles n'étaient jamais arrosés. De nos jours, en raison de l'existence du canal de Provence ou de canaux d'irrigation, on arrose les plants une ou deux fois pendant les périodes de forte sécheresse:

« Ça aide à les faire venir! », nous dira un cultivateur.

Les immortelles du Var nécessitent deux ans de maturité avant de fleurir.

1. La récolte

Vers la fin mai débute la période fébrile qui précède la récolte. Le champ est à ce moment là sous haute surveillance, le cultivateur pouvant venir observer les fleurs jusqu'à quatre fois par jour.

La floraison qui a lieu entre le 5 et le 20 juin nécessite une cueillette à un moment très précis du métabolisme de la plante. En effet, il faut que la fleur « ait le point noir » ou encore « le trou » selon les expressions, c'est ainsi que l'on nomme l'infime espace situé entre les pétales qui laisse découvrir le coeur. Si l'on veut obtenir une conservation optimale, cet espace ne doit pas excéder un millimètre de diamètre lors de la récolte. « On ne laisse jamais la fleur s'épanouir car elle s'ouvre alors totalement et le commerce ne la reçoit plus », conseillait-on déjà au XIXe siècle.

« Voou mies la dessouta que de la laissa troou madura » (« Il vaut mieux la cueillir trop tôt que de la laisser trop mûrir »), dit par ailleurs un proverbe provençal.

La fleur cueillie trop tard est appelée « flour cassiado »: elle s'effeuille et devient impropre à la conservation et donc à la commercialisation.

Au XIXe siècle, on appelait « débroutage » l'action de débarrasser - au moment de la cueillette - la tige florale des feuilles grêles et velues qui y étaient attachées. Aujourd'hui, la fleur est cueillie « le plus bas possible ». La récolte s'effectue pendant quatre à huit jours suivant la taille de l'exploitation. Dès la fin de la cueillette, les brassées de fleurs sont mises à sécher.

2. Le séchage

Il existe différentes méthodes de dessiccation de l'immortelle du Var: le séchage en tas, le séchage sous tunnel, le séchage suspendu.

De nos jours, le séchage en tas ne semble plus être effectué. Cette méthode était utilisée au XIXe siècle, alors que les grandes exploitations séchaient les fleurs en tas mais obligatoirement à l'ombre afin qu'elles ne perdent pas leur éclat.

Le séchage sous tunnel est une méthode moderne. Le tunnel est constitué d'une serre à arceaux où le plastique habituellement transparent a été remplacé par du plastique noir opaque. On dispose les immortelles sous ce tunnel jusqu'à séchage complet. Après quoi les fleurs sont liées en bouquets d'une vingtaine de brins.

Le séchage suspendu est une méthode traditionnelle valable pour bon nombre de fleurs séchées. Les fleurs récoltées sont liées en petites bottes, puis accrochées sur plusieurs rangs de fil de fer. Ce système d'étendage est souvent disposé sous un préau, ce qui facilite la circulation de l'air et évite le pourrissement de la fleur.

En ce qui concerne les deux dernières méthodes, la durée de séchage est de l'ordre de trois semaines à un mois suivant les conditions climatiques. La période évoquée par les cultivateurs se situe grosso modo entre le 15 juin et le 15 juillet.

Les bouquets de fleurs séchées sont ensuite emballés dans des cartons pour la vente ou, dans le cas d'un stockage, disposés tête bêche sur des claies et traités contre les mites afin d'éviter une dislocation des pétales due à ces insectes.


INTRODUCTION, BOTANIQUE, HISTORIQUE, LA CULTURE, LA TEINTURE, LA PRODUCTION ET LA VENTE, USAGES ET SYMBOLIQUE, CONCLUSION, INDEX PHOTOGRAPHIQUE


LA TEINTURE

L'immortelle est commercialisée sous deux aspects: naturelle et teinte. Il semble que l'immortelle « coloriée » n'ait pris son essor que dans le dernier quart du xlxe siècle, donnant naissance à une « industrie spéciale à Ollioules » (D~ Heraud, 1877), celle de la teinture.

Dans les années 1870-1880, les immortelles teintes sont « presque exclusivement destinées à l'exportation » (Ibid.). Elles sont utilisées comme substitut par la Russie, l'Allemagne et la Suisse qui - privées durant l'hiver de fleurs naturelles - en sont les principaux pays consommateurs et s'en servent pour la décoration des salons et des salles de bal.

Alors qu'elle est en pleine expansion - on compte sept teintureries d'immortelles à Ollioules -, cette industrie est cependant l'objet de plaintes de la part de certains résidents. Dès lors, une enquête est ouverte par le conseil d'hygiène de

l'arrondissement de Toulon, afin de procéder « à un examen attentif des méthodes employées par les teinturiers, des dangers et des incommodités pouvant en résulter pour les habitants » (Dr Heraud, 1877). Cette enquête qui, en 1877, aboutit à la publication d'un rapport, doit par ailleurs permettre, Si nécessaire d'introduire une réglementation dans le fonctionnement des teintureries.

1. Les procédés

Au XIXe siècle, les immortelles subissaient quatre opérations après la récolte: la macération, le séchage, le blanchiment, la teinture.

La première était, selon l'auteur du rapport, analogue au rouissage du lin et du chanvre et s'effectuait dans des « auges en maçonnerie ». Sa fonction était de détruire, lors de la fermentation à laquelle la fleur était soumise, les « matières colorantes, résineuses et grasses qui existent dans les folioles de l'immortelle » (Dr Heraud, 1877). L'addition d'acide sulfurique ou chlorhydrique à l'eau de macération constituait l'une des causes de désagrément évoquées par les plaignants. Le rapport précise que la macération n'a pas un caractère indispensable, fait confirmé par deux industriels d'Ollioules qui, à la même époque, disent ne pas avoir recours à cette pratique.

Aujourd'hui, l'unique établissement qui procède à la teinture des immortelles, à Ollioules et dans le Var, n'effectue pas cette opération.

Le séchage, second maillon de la chaîne opératoire qui prenait place après la macération, est toujours en vigueur. Il se situe désormais après la teinture. La méthode n'a guère varié. A l'heure actuelle, les bottes qui viennent d'être teintes

sont accrochées sur des rangs de fil de fer, sous un préau, donc exposées à l'air libre. Elles sont toutefois abritées du soleil, contrairement à ce qui se pratiquait après la macération. L'opération dure aujourd'hui de vingt-quatre à quarante-huit heures et peut parfois, selon les aléas de la météorologie, se terminer dans un four à air pulsé.

Après la macération et le séchage, le blanchiment permettait jadis aux fleurs d'être aptes à recevoir la teinture, ce qui est toujours le cas. Cette opération s'obtenait par une immersion dans une solution d'hypochlorite de chaux. Aujourd'hui, localement, on utilise de l'hypochlorite de potassium mais celui-ci est destiné essentiellement au blanchiment d'autres variétés, beaucoup plus rarement à celui des immortelles. Pour des raisons d'ordre économique, ces dernières sont importées déjà blanchies d'Italie où elles subissent ce type de traitement.

La teinture constitue l'ultime opération avant le séchage évoqué plus haut.

A la fin du siècle dernier, elle pouvait se réaliser de deux manières: à froid et à chaud. La plupart des colorations étaient dues à l'emploi des couleurs dérivées de l'aniline telles que la fuchsine, le bleu, le violet, le vert et, quelquefois, la safranine.

En 1996, à Ollioules, les teintures sont effectuées dans des bassins remplis d'une eau chauffée à environ 701800. Les bottes sont immergées une à une dans l'eau chaude, et ce à plusieurs reprises (environ quatre à cinq fois) afin de permettre une uniformisation de la teinture. L'immortelle possède en effet la particularité de se refermer au contact de la chaleur du liquide, empêchant la teinture de se fixer en son centre lors des toutes premières immersions.

Dans les années cinquante et jusqu'à sa fermeture en 1993, l'un des derniers ateliers de transformation de l'immortelle, à Ollioules, utilisait des teintures à base d'aniline. A l'heure actuelle, il n'est pas aisé de collecter des informations concernant la nature des teintures utilisées. Elles sont, selon un témoignage recueilli, « conformes », « écologiques » et « naturelles ».

2. L'éventail des couleurs

La variété et la sélection des couleurs évoluent en fonction de la mode, de la demande de la clientèle et de l'usage qui sera attribué à la fleur.

A la fin du siècle dernier, le rouge-orangé était recherché pour les enterrements civils.

La teinture transformait également l'immortelle en « fleurs noires, vertes ou rouge ponceau »~ (A. Dumazet: I 909)

Dans les années 1950-1960 - une période relativement prospère pour le traitement et le commerce de l'immortelle - Ollioules possédait encore quatre à cinq ateliers employant de la main d'oeuvre locale et essentiellement féminine. Certains d'entre eux proposaient jusqu'à trente coloris différents sélectionnés par la propriétaire elle-même: « J'étais en recherche perpétuelle de coloris et je procédais par essais (...) J'essayais de suivre les tendances de la mode en feuilletant les magazines et observant les vitrines lorsque j'allais à Paris ». Les fleurs, exportées vers la capitale, servaient entre autres à la décoration des rayons et vitrines des grands magasins comme les Galeries Lafayette.

Le ponceau est l'autre nom du coquelicot. Il s'agit d'un terme générique employé pour désigner les matières colorantes qui possèdent la couleur du coquelicot.

Aujourd'hui, les bouquets destinés à être offerts à l'occasion d'une naissance sont composés de fleurs de couleur pastel - le rose et le bleu dominent - tandis que le violet et le mauve sont plus particulièrement adressés aux personnes âgées.

La couleur orange utilisée dans la composition des « bouquets rustiques » évoque l'automne.

Enfin, l'assemblage de certains coloris tels le bleu, le blanc et le rouge - couleurs symboliques de la République - permet de confectionner des bouquets réservés à des manifestations spécifiques comme la Fête nationale du 14 juillet.

Depuis quelques années, l'immortelle teinte est utilisée comme trompe-l'oeil par certaines jardineries qui, en les collant ou en les piquant, fixent les fleurs sur certaines plantes telles les buissons de myrte ou les cactus, ceci afin d'en atténuer l'austérité.


INTRODUCTION, BOTANIQUE, HISTORIQUE, LA CULTURE, LA TEINTURE, LA PRODUCTION ET LA VENTE, USAGES ET SYMBOLIQUE, CONCLUSION, INDEX PHOTOGRAPHIQUE


LA PRODUCTION ET LA VENTE

Si l'immortelle jaune est introduite dans le Var dès le début du XIXe siècle, ce n'est qu'à partir des années 1840-1850 qu'elle prend véritablement son essor avec l'amélioration des voies de communication, notamment terrestres. L'implantation des chemins de fer, sous le Second Empire, offre à la fleur des débouchés qui ne cesseront de s'accroître jusqu'à l'orée du XXe siècle, engendrant des répercussions notables sur la production et la commercialisation. Ainsi, entre 1835 et 1885, la superficie consacrée à la culture de l'immortelle passe de 20 à 1.200 ha et le poids moyen annuel de la récolte qui avoisinait 18,5 tonnes dans les années 1830 atteint 620 tonnes en 1885.

C'est Paris qui acquiert la plus grande quantité d'immortelles naturelles et teintes suivie de près par Londres, Berlin, St-Pétersbourg ainsi que d'autres villes du sud de la Russie. La Chine et l'Amérique du Nord comptent aussi au nombre des pays fortement demandeurs.

Le développement de cette culture dans l'aire toulonnaise, en particulier dans la campagne bandolaise, amène dans le paysage des modifications notables n'échappant pas au chroniqueurs et observateurs de l'époque: « (...) là encore [à Bandol] s'arrondit une jolie baie, mieux fermée grâce à une petite île placée devant le cap (...) Cette île minuscule est habitée: elle a une bastide, un jardin, des champs d'immortelles et quelques arbres » (A. Dumazet, 1909).

Le gel de 1929 détruisit la quasi totalité des plantations bandolaises et contraint les cultivateurs à « refaire leur capital en allant chercher des plants sauvages qui avaient résisté sur les pentes du Faron et les collines à l'est de Toulon »(Monographie de Bandol, 1960: 36). Certains d'entre eux allèrent en chercher à Nice et jusqu'en Italie. La culture de l'immortelle était encore relativement vivace dans les années 1950. Cependant, le goût du public commençait à changer et « les feuillages stérilisés » prirent peu à peu le pas sur les couronnes et les croix d'immortelles. Le gel de 1956 détruisit, une nouvelle fois, les quelques plantations qui restaient. Dans les années 1960, seuls quelques paysans refirent leur capital en allant chercher une nouvelle fois des plants en Italie. Cependant, à la même époque, la main d'oeuvre féminine n'était plus guère intéressée par le travail de l'immortelle: « Les jeunes femmes, Si elles doivent travailler, préfèrent chercher des places de secrétaire ou de vendeuse à Toulon ou à La Seyne. Il n'y a plus qu'une femme occupée à faire des croix à Bandol » (Monographie de Bandol, 1960).

Aujourd'hui, la culture de l'immortelle est devenue très marginale. L'essentiel de la production varoise actuelle qui représente environ trois à quatre tonnes se concentre sur les communes de St-Cyr et Ollioules.

A titre d'exemple, un producteur qui possède un hectare de terrain planté en immortelles peut récolter entre 1,5 à 2 tonnes de fleurs par an. Vendue au poids, et plus précisément au kilogramme, l'immortelle connaît différents modes de conditionnement.

En premier lieu, dès la récolte, le producteur effectue lui-même de petites bottes de 33 ou 50 grammes qui pourront être écoulées partiellement ou totalement auprès du Groupement d'intérêt Economique implanté sur la commune de La Cadière ou auprès des grossistes. Ceux-ci possèdent leurs propres façons de conditionner la fleur: soit par botte de 50 gr, soit par fardeaux de 5 kg ou, comme c'est le cas depuis deux ans, par carton de 5 kg. La vente s'effectue aussi en vrac.

Le prix de l'immortelle séchée varie en fonction de la qualité des fleurs proposées. Le prix moyen au kilogramme est d'environ 70F mais les fleurs « sélectionnées », c'est-à-dire celles qui présentent une corolle plus grosse que la moyenne et dont l'éclat est plus vif, sont vendues jusqu'à 150F le kg.

Il existe différents circuits de commercialisation de l'immortelle. Le producteur peut écouler sa récolte auprès du G.l.E., des grossistes ou bien chez de petits fleuristes. Il a par ailleurs la possibilité d'effectuer une vente directe dans les grandes surfaces. L'immortelle est également vendue sur les marchés.

Le G.l.E. a pour rôle de regrouper le produit à partir de la production, puis de le redistribuer à ses clients qui sont essentiellement des grossistes, ainsi que quelques ateliers de composition florale.

Si la petite fleur varoise ne s'exporte plus guère vers l'étranger comme c'était le cas à la fin du siècle dernier, l'Angleterre, les Etats-Unis et le Japon en achètent néanmoins de petites quantités mais l'essentiel de la production varoise est commercialisé sur le territoire national. Il semble cependant que l'immortelle naturelle connaisse, depuis environ deux ans, un regain d'intérêt. Ceci est peut-être lié aux nouveaux usages que l'on fait de cette fleur.


INTRODUCTION, BOTANIQUE, HISTORIQUE, LA CULTURE, LA TEINTURE, LA PRODUCTION ET LA VENTE, USAGES ET SYMBOLIQUE, CONCLUSION, INDEX PHOTOGRAPHIQUE


USAGES ET SYMBOLIQUE

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, l'immortelle qui est réputée et appréciée pour sa pérennité jouit d'une certaine vogue pour l'ornementation funéraire. C'est en effet «dans les cimetières que ce siècle apprend à fleurir après 1850-1860» (M. Vovelle et R. Bertrand, 1983) et alors que « la tradition de la couronne s'est végétalisée» (J.M. PeIt, 1988) que l'immortelle apparaît et intègre la symbolique végétale du culte des morts: « On offre aujourd'hui aux morts des objets plus simples, de moins de valeur, voilà où l'immortelle simple et peu coûteuse a trouvé sa place » (F. Gos, 1886).

Lors des obsèques de deux maires marseillais - B. Rouvière en 1864 et Ch.-A. Rabatau en 1875 - des couronnes d'immortelles ornent le catafalque élevé pour le premier tandis que « le corbillard de 1re classe » emmenant le second « est orné d'une grande guirlande en immortelles entourant ses quatre faces et de six couronnes » (R. Bertrand, 1994).

C'est à Bandol et à Ollioules que femmes et jeunes filles, essentiellement, oeuvrent à la confection des couronnes, croix et tableaux. Voici ce que relate une monographie de Bandol à propos de cette industrie: « Avant la guerre de 1914 presque toute la population féminine bandolaise était occupée à la confection des articles réclamés par les commerçants de tous les coins de France. On entrait à l'atelier dès qu'on sortait de l'école et qu'on avait fait la première communion. Il y avait alors un minimum de trois cents ouvrières, travaillant pour cinq à six ateliers. Les expéditions de couronnes se faisaient surtout vers l'Espagne et la France. (...) La guerre n'arrêta pas, et pour cause, cette culture. Et jusque vers 1936, culture et commerce de cette fleur ont été florissants à Bandol ».

La couronne « est composée d'un rond ou paillon sur lequel on adapte les fleurs »

(C. Brun, 1879). Les boutons, posés un à un sur ces « bourrages », s'alignent en rangs réguliers. Les couronnes, de couleur blanche, violette ou jaune, peuvent être agrémentées de dessins noirs, violets, bleus ou d'inscriptions de même couleur, mais il semble que la couronne jaune formée de fleurs naturelles soit la plus répandue.

Aujourd'hui, la couronne et la croix d'immortelles tombent en désuétude. Dans la région toulonnaise, la dernière personne à confectionner ces objets, sur commande, a cessé toute activité il y a moins d'un an. Cependant, des croix d'immortelles -effectuées sur commande - ornent encore certaines tombes du cimetière St-Pierre à Marseille.

Symbole funéraire, l'immortelle jaune ou « fleur d'or » comme l'a surnommée le poète ollioulais Gaston Beltrame, trouve aussi sa place auprès des vivants. Elle était très prisée sous le Second Empire où elle constituait souvent le principal décor lors de l'ouverture des saisons lyriques. Ambassadrice d'un terroir, elle ponctuait de sa présence certaines visites officielles telles que la venue de l'escadre russe en Provence, en 1893, et notamment la visite d'officiers russes à Bandol dont Ardouin Dumazet livre un témoignage édifiant: « Les fenêtres, les murs étaient fleuris d'immortelles; on en avait littéralement jonché le quai et les rues, nous marchions sous une pluie d'immortelles lancées du haut des maisons.». Par ailleurs, une ancre de marine confectionnée avec des têtes d'immortelles fut offerte au commandant d'un bâtiment lors de l'arrivée de l'escadre à Toulon.

L'immortelle du Var fut également utilisée en tant que fleur ornementale lors du couronnement d'Elisabeth Il d'Angleterre, le 2 juin 1953, symbolisant du même coup la pérennité d'un règne. Les ouvrières ollioulaises avaient composé, pour la circonstance, de petits bouquets aux couleurs du drapeau anglais.

De quelle façon l'immortelle du Var est-elle utilisée aujourd'hui? On peut parfois la voir, sous forme de très petits bouquets, orner la vitrine de magasins qui commercialisent des « produits du terroir ». Par ailleurs, certains ateliers d'art en font un usage très particulier. Ainsi à Ollioules, les «têtes » d'immortelles teintes et naturelles sont piquées sur un support de manière à constituer des sortes de tableaux représentant des scènes figuratives. Au Castellet, des artisans utilisent l'immortelle dans des compositions originales telles cette énorme boule qui illumine l'entrée de leur boutique.

Les touristes français et étrangers se méprennent souvent quant à la nature de cette fleur qu'ils confondent avec le mimosa. C'est que pour eux, la couleur jaune associée à l'image de la Provence évoque immanquablement la fleur du mimosa. Plus largement, dans la culture occidentale, le jaune symbolise la « couleur de la lumière et de la chaleur » (M. Pastoureau, 1992).

Aujourd'hui, certaines personnes associent encore de façon très étroite l'immortelle au culte des morts. Pour cette raison, jamais un bouquet d'immortelles ne viendra orner leur maison. D'autres au contraire mettent un point d'honneur à décorer leur intérieur d'un petit bouquet composé de cette fleur de terroir.


INTRODUCTION, BOTANIQUE, HISTORIQUE, LA CULTURE, LA TEINTURE, LA PRODUCTION ET LA VENTE, USAGES ET SYMBOLIQUE, CONCLUSION, INDEX PHOTOGRAPHIQUE


CONCLUSION

La culture de l'immortelle du Var qui - dans une partie très occidentale du département - a généré une importante industrie au cours du siècle dernier, est aujourd'hui extrêmement résiduelle.

La reproduction et la culture de cette petite fleur jaune sont dépendantes d'un savoir-faire qui est en passe, semble-t-il, de s'éteindre.

Selon l'avis d'un spécialiste de la Chambre d'Agriculture, cette culture relativement rentable et ancrée historiquement dans la région pourrait cependant offrir des débouchés économiques au département, du moins en ce qui concerne sa zone littorale. Elle permettrait d'exploiter, et donc de valoriser des terres incultes ou peu rentables, voire non irrigables. La culture de l'immortelle pourrait ainsi engendrer une valorisation des terrains en friche (pinèdes, garrigues, etc.) impropres habituellement à la culture florale. Cette façon culturale constituerait par la même occasion un élément efficace contre la propagation des incendies.

Dans le cas où ces arguments seraient considérés, ils pourraient permettre à l'immortelle de reprendre une place de choix au sein de l'économie florale varoise.

BIBLIOGRAPHIE

AGULGHON M., «L'agriculture et la société rurale du Var dans la première moitié du xlxe siècle» in Etudes d'histoire provençale, Paris, Ed. Ophrys, 1971.

BELTRAME G., «Ollioules à travers le temps » in Bulletin des Amis du Vieux Joulon, n01022, 1980.

BENOîT F., L'outillage rural en Provence, Marseille, J. Laffitte Reprints.

BERTRAND R., Les Provençaux et leurs morts, thèse pour le Doctorat d'Etat ès- Lettres, Paris, Sorbonne, 1994.

BRUN C., «Notice sur l'immortelle jaune» in Bulletin de la Société d'horticulture et d'acclimatation du Var, juillet-août 1879.

BRUN C., Bandol. Notice topographique et historique, Marseille, 1881.

Bulletin municipal d'informations La Cadière d'Azur, janvier 1996.

DUMAZET A., Voyage en France, 13e série, La Provenoe Maritime I, Paris, BergerLevrault et Cie, 1909.

GOS F., Mémoire sur la production des fleurs d'immortelle en Provenoe, 1886.

HERAUD (D.), Les teintures d'immortelles, extrait des Annales d'hygiène et de médecine légale publiées par J.B. Baillière et Fils, 1877, 2e série, T. XLVII.

LAURE H., Manuel du cultivateur provençal, T. 11,1837.

Monographie de Bandol, par le Cours complémentaire mixte de Bandol, 1960 (57 pages dactylographiées).

NOYON N., Statistique du département du Var, Paris, Res Universis, rééd. 1993 (1846).

PALLY L., Les fêtes franco-russes, Paris, 1894.

PASTOUREAU M., Dictionnaire des couleurs de notre temps. Symbolique et société. Paris, Ed. Bonneton, 1992.

PELT J.-M., Fleurs, fêtes et saisons, Paris, Ed. Fayard, 1988.

VOVELLE M. et BERTRAND R., La ville des morts. Essai sur l'imaginaire urbain contemporain d'après les cimetières provençaux. Paris, Ed. du C.N.R.S., 1983.

ANNEXES

L'Index photographique


L'IMMORTELLE

Tu crois dans ma Provence, ô divine Immortelle !

L'hiver, sur les coteaux que le flot bleu dentèle,

On abrite Les plants comme on cache un trésor:

Tes tiges en avril jaillissent sur la touffe,

Et quand les blés sont mûrs, aux mois où l'on étouffe,

Ta plante grise érige en bouquets tes fleurs d'or.

Tous les abandonnés, fils, maîtresses ou mères,

Vont, croyant au retour des bonheurs éphémères,

Dédier tes bouquets à de chers endormis

On te connaît au loin, mais tressée en couronne,

Non pas quand notre été de ses feux t'environne,

Ou qu'au soupir des nuits de printemps tu frémis.

C'est pourquoi nul ne sait ce qui te donne une âme,

Ni combien notre ciel t'a versé de sa flamme,

Pour que, cueillie un jour, lu dures longuement

Ils ignorent d'où vient l'or vif de ta corolle,

Et nul d'entre eux ne sait, Immortelle, ô symbole,

Quel dur soleil a fait ton doux rayonnement.

Il faut que, dépassant de haut tes feuilles grises,

Tes tiges, tous les ans, par les étés sans brises,

Se dressent vers l'azur où le soleil se fond

il faut qu'autour de toi l'ombre soit inconnue,

Et que, seule, au flanc sec de la colline nue,

Tu boives tout le feu d'un sol roux et profond.

Le soleil redouté fait ta gloire et ta joie

Ta tige, qui durcit, se rompt quand on la ploie,

Car on place de sève y court un feu subtil ;

Les fleurs qui meurent vite ont besoin d'une eau fraîche ;

Toi, tu ris au soleil de juin qui les dessèche,

Tu vis de ce qui fait mourir les fleurs d'avril.

Pourquoi ? comment? - voilà le rêve et le mystère.

D'autres fleurs, comme toi, dans l'air et dans la terre

Aspirent le soleil et l'ardeur de l'été ;

Mais nul autre ne fait ce travail dans sa trame,

Et n'a ce don sublime, envié de mon âme,

De faire d'un rayon son immortalité.

Fleur divine, la pluie ou l'ombre t'est fatale;

Il te faut un pays qui plaise à la cigale,

Et de tièdes recoins fermés aux vents du Nord ;

Car l'immortalité te vient de la lumière

Qui se conserve en toi dans sa vertu première :

C'est le soleil en toi qui fait mentir la mort.

Jean AICARD Les Poèmes de Provence


Page précédentePage d'accueil


INTRODUCTION, BOTANIQUE, HISTORIQUE, LA CULTURE, LA TEINTURE, LA PRODUCTION ET LA VENTE, USAGES ET SYMBOLIQUE, CONCLUSION, INDEX PHOTOGRAPHIQUE


Ecrire au C.E.R.E.V. :